Projet ERC-GRABS
Contexte
Depuis 2015, plus de 5 millions de personnes sont arrivées ou ont tenté d’arriver dans l’Union européenne pour y trouver refuge. D’autres pays d’accueil de réfugiés sont confrontés à des situations similaires. Beaucoup de ces réfugié.es sont des jeunes. Mais alors que de nombreux articles ont été écrits sur les expériences des réfugié.es adultes et, dans une moindre mesure, sur celles des mineur.es non accompagné.es, très peu de recherches ont été menées sur les expériences des jeunes réfugié.es qui ne sont pas (ou ne sont pas reconnu.es comme) « non accompagné.es », et plus particulièrement sur l’impact de ces expériences sur leur parcours vers l’âge adulte, à l’intérieur ou à l’extérieur des frontières. Cela conduit à l’absence de politiques efficaces pour protéger les jeunes et leur garantir l’accès aux services essentiels à leur bien-être, tant dans leur jeunesse que dans leur vie d’adulte future.
Le projet vise à fournir de nouvelles recherches opportunes axées sur divers aspects de l’expérience de ces jeunes qui grandissent dans une situation de migration forcée, afin de contribuer à la recherche sur la jeunesse et sur la migration/mobilité. Ce faisant, il formulera également des recommandations sur la manière de mieux soutenir les droits, l’autonomie et la résilience de ces jeunes. La recherche sera menée dans plusieurs pays d’Europe (France, Grèce, Royaume-Uni) et hors d’Europe (Canada, Afrique du Sud) afin de comprendre les impacts de différents contextes sociaux, juridiques et politiques. Le développement de méthodologies innovantes combinant des méthodes qualitatives traditionnelles avec la recherche sur les réseaux sociaux et les outils de communication numériques, et mettant l’accent sur les méthodes de recherche participatives créatives, renforcera la participation et l’expression personnelle des jeunes réfugié.es afin de leur permettre de « raconter » leur vie et leurs expériences. Une approche décoloniale et féministe intersectionnelle évite de réduire les jeunes à leur « vulnérabilité » et considère l’âge comme interagissant avec d’autres catégorisations sociales telles que le genre ou la race, afin de déterminer les risques et les vulnérabilités individuels, mais aussi les possibilités d’autonomie et de résilience.
Objectifs
Ce projet vise à mieux comprendre les expériences des jeunes qui « grandissent » aux frontières dans des situations de migration et de mobilité forcées. Nous voulons mieux comprendre comment les jeunes peuvent se retrouver dans des situations de vulnérabilité et subir des violences et des discriminations. Mais aussi quelles sont leurs stratégies et leurs moyens de résistance ? Comment les jeunes gèrent leurs relations avec leur familles et leurs ami.es ? Qu’est-ce que cela signifie passer de l’enfance à l’âge adulte tout en étant en déplacement ?
Méthodes
Nous souhaitons utiliser des méthodes participatives créatives, en invitant les jeunes à participer pleinement à la recherche. Pour ce faire, nous utilisons différentes méthodes, en impliquant les jeunes dans diverses activités et en leur donnant l’occasion de développer leurs compétences et d’apprendre tout en s’engageant dans le projet. Nous espérons que ces jeunes façonneront le projet et que nous apprendrons ensemble.
Études de cas par pays
La recherche se déroule dans trois pays européens (France, Grèce, et Royaume-Uni), au Canada et en Afrique du Sud. Ces pays sont tous des lieux de destination pour les personnes en déplacement, mais ils ont des régimes d’asile et de réfugiés différents, des structures de santé et de protection sociale différentes, et des contextes économiques et politiques contrastés. Le choix des pays étudiés dans le cadre du projet GRABS a été fait sur la base d’une analyse de la situation en matière de migration dans chaque pays, notamment le nombre d’arrivées, les lois et politiques en matière de migration et d’asile, l’attitude du public à l’égard des demandeur.ses d’asile et des réfugié.es, ainsi que toute question spécifique concernant les jeunes en déplacement qui pourrait être pertinente. La comparaison entre les différents pays nous permettra de mettre en évidence les impacts des différents contextes sociopolitiques et socioéconomiques sur les expériences des jeunes avec lesquels nous travaillons.
France
La France, pays qui a une longue histoire d’immigration, fait également partie des États membres de l’UE qui ont accueilli le plus grand nombre de réfugié.es. Mais la France a mis en place des contrôles aux frontières de plus en plus stricts, conduisant au « refoulement » des réfugié.es à ses frontières suite au rétablissement des contrôles aux frontières intérieures européennes, et elle a également été critiquée pour l’insuffisance des conditions d’accueil des réfugié.es, notamment le manque criant de logements.1 En France, nous nous engageons auprès des jeunes réfugié.es qui tentent de franchir les frontières aux postes-frontières franco-italiens, et franco-espagnols, dans les centres d’accueil et dans les rues des grandes villes comme Paris, ainsi que dans ceux qui tentent de se rendre au Royaume-Uni dans les environs de Calais.
Grèce
La Grèce a été en première ligne de la « crise des réfugié.es » avec l’arrivée de plus d’un million de réfugié.es depuis 2015, dont certains ont poursuivi leur route, mais beaucoup sont encore « bloqué.es » en Grèce (soit dans l’un des « hotspots » des îles grecques, soit sur le continent), laissant aux autorités et aux organisations de la société civile le soin de traiter les questions d’aide, d’hébergement et d’intégration dans un pays qui a également souffert d’une grave crise économique.2 L’étude de cas grecque nous permettra d’entrer en contact avec des jeunes à leur arrivée, dans un contexte d’immobilité forcée et de mobilités potentielles.
Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, les conséquences du Brexit ont créé de nouvelles conditions pour la migration des réfugié.es. Celles-ci ont renforcé les conditions déjà restrictives d’arrivée et d’accès à la protection et aux services qui ont été mises en place dans le cadre de la politique britannique dite « d’environnement hostile » (hostile environment). 3–4 Là encore, nous nous concentrerons sur les jeunes qui arrivent aux postes-frontières et dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile.
Canada
Le Canada a été cité en exemple pour ses bonnes pratiques en matière d’accueil des réfugié.es, et l’adoption par le pays de programmes de parrainage privé des réfugié.es (refugee private sponsorship programmes) a notamment attiré l’attention positive de la communauté internationale.5 Les répercussions de ces choix politiques sur l’expérience des jeunes réfugié.es constituent donc un élément de comparaison important pour notre analyse internationale. Le Canada connaît également actuellement un afflux croissant de demandeur.ses d’asile en provenance des États-Unis, ce qui crée une autre dynamique à examiner.6
Afrique du Sud
L’Afrique du Sud présente un contraste intéressant, en tant que pays à revenu intermédiaire du Sud qui est une destination majeure pour les démandeurs.es d’asile et les réfugié.es provenant de divers pays de la région, et le seul pays de la région à disposer d’une politique urbaine en matière de réfugié.es. Malgré un régime de protection des réfugié.es théoriquement « favorable » en Afrique du Sud, reconnu pour son caractère progressiste, des recherches récentes ont mis en évidence des lacunes dans la protection des réfugié.es. Les politiques récentes visant à restreindre l’arrivée de réfugié.es peuvent être considérées à la fois comme une conséquence et comme un facteur contribuant à la généralisation de divers incidents de violence xénophobe à l’encontre des démandeurs.es réfugié.es.7
Références
- Sahraoui, N. and Freedman, J. (2022). Gender Violence as a Continuum in the Lives of Women Seeking
Asylum: from Resistance to Patriarchy to Patterns of Institutional Violence in France, in J. Freedman,
N. Sahraoui and E. Tastsoglou (eds). (2022). Gender-based Violence in Migration: Interdisciplinary,
Feminist and Intersectional Approaches. Basingstoke: Palgrave Macmillan. Book chapter accessible here. ↩︎ - Papataxiarchis, E. (2016). Being There: At the Front Line of the European “Refugee Crisis”.
Anthropology Today, 32(2): 5-9. Part 1: https://doi.org/10.1111/1467-8322.12237; Part 2: https://doi.org/10.1111/1467-8322.12252. ↩︎ - Webber, F. (2019). On the creation of the UK’s ‘hostile environment’. Race & Class, 60(4), 76-87. https://doi.org/10.1177/0306396819825788. ↩︎
- Bralo, Z. (2022). Migrant and Refugee Women in the Hostile Environment Immigration System: Deliberately Silenced and Preferably Unheard. The Political Quarterly, 93(1), 69-76. https://doi.org/10.1111/1467-923X.13077. ↩︎
- Hyndman, J., Payne, W., & Jimenez, S. (2017). The state of private refugee sponsorship in Canada:
Trends, issues, and impacts. Toronto: Centre for Refugee Studies, York University. Report accessible here. ↩︎ - Côté-Boucher, K., Vives, L., & Jannard, L. P. (2023). Chronicle of a “crisis” foretold: Asylum seekers
and the case of Roxham Road on the Canada-US border. Environment and Planning C: Politics and
Space, 41(2), 408-426. https://doi.org/10.1177/23996544221127614. ↩︎ - Crush, J., Chikanda, A. and Skinner, C. (2015). Mean Streets: Migration, Xenophobia and Informality in
South Africa. Southern African Migration Programme. ↩︎
